Mazisi Kunene

« Ne pas oublier, disait Mazisi Kunene à ses étudiants, la mémoire est le souffle des générations futures. Cultivez la mémoire.« 

A l’image de cette citation poétique et porteuse de la personnalité profonde de celui qui s’exprima ainsi, Mazisi Kunene (1930-2006) est un homme à la fois poète et politique. Né à Durban, il consacra sa vie entière à la littérature et à l’art, avec la vocation affichée de participer à la renaissance de la fierté du peuple noir, et de son histoire. Et même si, après l’obtention de son Master en Arts à l’Université du Natal, il s’expatriera à Londres pour poursuivre sa carrière universitaire, il restera sans cesse directement connecté à la cause du peuple noir d’Afrique du Sud. Militant de la première heure de l’African National Congress, il deviendra en effet le membre fondateur du Mouvement anti-apartheid en Angleterre en 1962, et le délégué et responsable financier de l’ANC pour l’Europe et les Etats-Unis.

Sa principale oeuvre, Emperor Shaka the Great, a Zulu Epic (1979), est un poème épique qui retrace l’histoire des Zoulous au-travers du personnage majeur de Shaka (1787-1828), empereur de ce peuple et figure de proue du nationalisme noir. Son message est clair : représenter Shaka comme un rassembleur, au moment même où le pouvoir blanc entreprend son travail de division ethnique, à commencer par la ségrégation du système éducatif. Un message trop clair, peut-être, puisque l’oeuvre sera interdite en Afrique du Sud.

« Par l’ampleur de sa vision, par un ressourcement permanent à l’oralité des ancêtres qui lui permettent de prendre la distance nécessaire, il a su transcender et dépasser la situation qui a été infligée à son peuple par l’histoire. On ne saurait le définir comme le un porte zoulou, appellation qu’il déteste, même s’il est toujours le gardien vigilant d’une mémoire collective. Son message frappe aussi par son universalité. C’est ce recours permanent à sa propre culture, la confiance illimitée qu’il lui accorde qui expliquent cette familiarité avec la nature, avec le cosmos, les forces vitales, les divinités de son panthéon, et l’univers infini des ancêtres. Avec un doux entêtement, avec la grande patience des visionnaires, Kunene ne cesse de pousser les lourdes portes qui mènent à ce monde de symboles et de spiritualité qui sommeille en nous, mais qui ne demande qu’à se réveiller. » (Jean Sévry)

Mazisi Kunene a dit un jour cette phrase magnifique et évocatrice : « La sagesse permettra un jour aux noirs de s’allonger sur le lit d’épines tissé par les Blancs en Afrique.« 

Message d’une insondable actualité.