Juluka | Johnny Clegg et Sipho Mchunu
Son nom ne vous est certainement pas étranger : Johnny Clegg est l’une des figures de la scène musicale internationale les plus admirées et réputées depuis plus de 30 ans.
Sa sensibilité d’enfant blanc exposé à la culture et à la ségrégation sud-africaine fera de lui un individu unique, un véritable métissage, culturel et intellectuel, fait homme.
Il faut dire que son histoire est surprenante, depuis sa naissance près de Manchester au Royaume-Uni, le retour, avec sa mère divorcée, dans la ferme familiale d’Afrique du Sud, et son expérience de la liberté et de la multiculturalité en Zambie, où il sera scolarisé dans une école mixte au cours de deux années. Le remariage de sa mère, chanteuse, avec le journaliste sud-africain Dan Pienaar sera également un évènement majeur pour le développement de la personnalité du jeune Johnatan Clegg. Cet homme, écrivain et poète afrikaner en lutte avec ses origines, lui transmettra en effet sa passion pour l’Afrique et ses habitants, et lui apprendra à regarder en face la misère des townships de Johannesbourg.
Cependant, deux autres rencontres furent tout autant déterminantes dans la vie et la carrière de Johnny Clegg (difficile de différencier les deux tant le personnage est entier) : Mntonganazo Mzila, puis Sipho Mchunu.
Le premier est un musicien de rue d’origine Zoulou, que Clegg rencontra par hasard dans la rue autour de ses 15 ans. Mzila fut son premier professeur de musique, et lui permit de le suivre dans les « Hostels » les plus reculés de Johannesbourg (les centres de travailleurs migrants). C’est là que le jeune homme put approcher puis apprivoiser la culture Zoulou, qui deviendra un part importante de son identité.
Le second est celui par qui tout devint possible. Sipho Mchunu était un jardinier travaillant dans le quartier bourgeois blanc où Clegg habitait avec sa famille ; mais il était surtout un guitariste zoulou de grand talent. Le hasard mit ces deux individus sur le même chemin, et une amitié immense naquit entre-eux, portée par leur passion commune de la musique et du partage. Mchunu permit à Johnny de parfaire ses techniques de guitare, de danse, de langue et de combat au bâton zoulou ; Clegg permit à Sipho de connaitre la musique celte et le rock américain.
Ensemble, il sortirent un premier album prometteur, « Woza Friday » (arrive vendredi), et inventèrent un nouveau style musical prêt à révolutionner la scène artistique sud-africaine. Mêlant musique et danse campagnarde zouloues, mbaqanga et folk music occidentale pour guitare, ils bousculèrent les normes et donnèrent une identité musicale unique à leur groupe, Juluka, formé en 1979. Le duo inattendu et impensable qu’ils composaient alors, un Blanc et un Noir, suffisait à lui seul à faire trembler alors les esprits libertaires comme les plus puritains… Un changement se profilait à l’horizon.
Après la censure de leur premier album « Universal Men » du fait de l’apartheid, et malgré une vraie reconnaissance accordée par la critique, ils proposèrent « African Litany » et obtinrent leur premier hit avec « Impi ». Le succès national était alors assuré, et c’est avec leur quatrième album, « Scatterlings », qu’ils s’imposèrent définitivement sur la scène internationale.
Juluka connut un succès continu jusqu’au départ de Mchunu en 1985, qui entraina la dissolution du groupe.
Suite à cette séparation forcée (Mchunu partait aider sa communauté dans les quartiers pauvres), Johnny Clegg forma un second groupe, Savuka, dont nous reparlerons ; cependant, Clegg et Mchunu décideront dans les années 1990 de se retrouver le temps d’une tournée et d’un nouvel album.
Nous retiendrons le groupe Juluka comme l’un des principaux vecteurs de la pensée contestataire anti-apartheid des années 1970-80. Les paroles des chansons de leurs albums restent dans les mémoires comme de véritables hymnes à une Afrique du Sud malmenée ; comme d’inimaginables messages de paix et d’espoir lancés dans les airs, capables de toucher les cœurs et de frapper les consciences…
Paroles de chansons (traduction française) :
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Extraits de l’album « African Litany » | 1981
African Litany
Pris au piège dans un moment de l’histoire
Tu as changé le monde, tu faisais la pluie et le beau temps
Riant, un soleil éclatant sur ton sourire
Ton corps bronzé par des bains de soleil et tendu contre le vent
Mais tu avais oublié que la roue continuait à tourner
Et, un beau jour, l’aurore t’a abandonné
Ce n’est pas faute d’avoir essayé de t’aimer
Mais il faut vraiment que je parte
Car le monde t’abandonne
Le monde t’abandonne
Le monde t’abandonne
Refrain
Je chanterai une litanie d’Afrique pour toi
Je la chanterai pour moi
Je la chanterai pour toi
Et j’espère que nous connaitrons la fin de ce temps-là.
Je pense que ce rêve va cesser
Le passé n’est plus ton ami
Chaque souvenir qui s’amoncelle
Te lie dans une toile éternelle Car tu avais oublié que la roue continuait à tourner
Et, un beau jour, l’aurore t’a abandonné
Et maintenant te voilà piégé à jamais
Jusqu’à ce que les tisons de ce jour rougeoyant se soient éteints
Jusqu’à ce que les tisons de ce jour rougeoyant se soient éteints
Jusqu’à ce que les tisons de ce jour rougeoyant se soient éteints
Litanie africaine!
Litanie africaine!
Je chanterai une litanie d’Afrique pour toi
Adieu, tendres adieux
Une litanie d’Afrique pour moi
J’espère que nous connaitrons la fin de ce temps-là.
African Sky Blue
Tes enfants attendent l’aurore
Bleu du ciel d’Afrique
Bientôt un jour nouveau va naître
Bleu du ciel d’Afrique
Bleu du ciel d’Afrique
Béniras-tu ma vie?
Soleil d’Afrique
Bientôt tu réchaufferas les yeux de tes enfants
La rivière africaine dansera
Et bondira dans ta lumière du matin
Soleil africain
Eau de la rivière africaine
Béniras-tu ma vie?
Béniras-tu ma vie?
Refrain
Comment savoir?
Comment rêver?
Comment espérer?
Qu’apportera l’avenir?
Tu passes à travers moi
Mais puis-je compter sur toi?
Bleu du ciel d’Afrique…
Orage africain
Tes soldats s’ébranlent dans les airs
La pluie africaine va tomber
Et me laver de mes larmes
Pluie africaine qui tombe
Pluie africaine qui tombe
Béniras-tu ma vie?
Refrain
Aujourd’hui, le guerrier est un travailleur
Et sa guerre est souterraine
Avec de la cordite, dans le noir,
Il trait les veines saignantes d’or
Et quand la paroi rocheuse fumante soupire
Chaque fois
Il pense à toi
Bleu du ciel d’Afrique
Puis-je compter sur toi?
Heart of the Dancer
Bleu du ciel d’Afrique
Je voudrais savoir ce qu’il y a dans le coeur du danseur
Ses mouvements ont une magie mystérieuse
Ils doivent avoir un message, une signification
Ca me fait quelque chose
Alors, que le tambour ne se taise pas
Il faut que je comprenne
Comment il danse notre futur et notre destiné
Et comment nous appartenons à cette terre
Chorus
Sizodlala ! nani’mabungu !
Sizodlala ! nani’mabungu, helele !
(repeat)
Dlala wemadlalingo…
Dlala wemadlalingoma (repeat)
Dlala wemadlalingo-yo-yo-yo
Dlala wemadlalingoma (repeat)
Quand tu n’étais encore qu’un enfant qui s’émerveille
Le danseur t’as montré la gloire de son passé
Il à tissé (ou dansé) pour toi la danse du tonnerre
Qui a fait trembler les montagnes et les crevasses
Il a dansé les enfants qui jouent dans les ruisseaux
Il a dansé les victoires creuses
Il a dansé les peuples puissants que l’histoire a embusqués
Chorus
C’est la danse qui fait danser le danseur
Mais c’est le danseur qui veut la danse
C’est la guerre entre le pantin et le maître
Entre celui qui tire les ficelles et son cœur
As tu vu les tires dans la nuit ?
As tu vu la scène de la chambre du ballet ?
Où le danseur ours ne peut plus danser plus longtemps
Et bientôt, c’est le pantin qui sera le maître de la danse
Où bientôt, il sera le maître de la danse.
Wemagith’ingoma !
Wemagith’ingoma !
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Extrait de l’album « Work for All » | 1983
Work for All
Laisse allumés les feux de la maison
Pendant que papa gagne la maigre pitance qu’il appelle son salaire
On doit se lever si tôt le matin
Pour conserver son travail, qui plus est en trouver un
Entends-les qui chantent dans les rues
Entends le bruit de leurs pas.
Refrain
Du travail pour tous – nous avons besoin de travail pour exister
Du travail pour tous – il y a une armée de chômeurs dans les rues
Du travail pour tous – dans un salaire, une guerre larvée
Du travail pour tous – il y a une armée de chômeurs à ma porte
Papa s’assoit, tout seul, dans la cuisine
Trente ans qu‘il est mineur
Il doit toujours se battre pour le droit au travail
Que les temps soient bons ou mauvais
Entends-les qui chantent dans les rues
Entends le bruit de leurs pas
Refrain
Du travail pour tous – nous avons besoin de travail pour exister
Du travail pour tous – tant de bouches à nourrir à la maison
Du travail pour tous – dans un salaire, une guerre larvée
Du travail pour tous – oh, une armée de chômeurs à ma porte
Nous avons tous besoin de travail
Nous voulons du travail pour tous
Nous avons besoin de travail pour exister
Donnez-nous du travail à tous
Donnez du travail afin que nous existions.