William Modisane

William Modisane (1923-1986), plus connu sous le surnom de « Bloke » Modisane, est un auteur et acteur sud-africain noir.

Journaliste de la célèbre revue « Drum » au sommet de sa gloire dans les années 1950, il est une des voix noires issues du réalisme surgissant, de la fin des illusions et du Black Counsciousness. Sa verve tranchante, et sa parole marquée par des souffrances vécues, feront de lui l’un des auteurs noirs les plus virulents de l’histoire de l’Afrique du Sud, aux côtés de quelques autres (Henry Nxumalo, Can Themba, Es’kia Mphahlele et Lewis Nkosi).

Son enfance dans les allées mornes de Sophiatown le marquèrent à jamais ; son père assassiné, sa soeur, morte de malnutrition, et sa mère, laissée à elle-même, qui dut ouvrir un shebeen (sorte de bar alternatif mal fréquenté) pour subvenir à leurs besoins… Son travail chez Drum fut sa première issue, et lui permit de rencontrer les chefs de file de la rebellion noire en gestation.

Egalement critique de jazz émérite (il écrivit notamment pour le Golden City Post, le Johannesburg weekly tabloid and Drum’s sister publication), il fut incontestablement un érudit blessé par la vie, dur et sensible à la fois. Ses nouvelles relatent la vie pauvre des townships, et ses piteuses alternatives : dans « The Dignity of Begging », publié en 1951, il raconte notamment le mode de vie d’un homme préférant vivre de la mendicité plutôt que d’être exploité dans un emploi stable ; dans « The Respectable Pickpocket » (1954), il dépeint la malice d’un voleur usant de son intelligence contre la société et le système d’apartheid.

Blame Me on History, Bloke Modisane | 1963C’est en 1959 qu’il décida finalement de s’exiler en Angleterre, victime de persécutions et incapable d’exprimer dans son pays natal le fond de sa pensée. Loin des chaines imposées par le gouvernement autoritaire d’Afrique du Sud, il publie son oeuvre centrale, « Blame Me on History » (1963), une autobiographie foudroyante, souvenir de son enfance à Sophiatown et des injustices traversées. Bloke Modisane y dénonce, aussi, le drame de l’apartheid pour les Noirs cultivés des townships.

Tant et tant de colère déversée, bouleversante, sera à l’origine de l’interdiction de son ouvrage en Afrique du Sud dès 1966.

Passant le reste de sa vie en exil, il sera tantôt acteur de théâtre, tantôt écrivain. C’est en Allemagne de l’ouest qu’il mourut finalement, laissant derrière lui une oeuvre variée et riche, comme autant de témoignages des horreurs et des traumatismes de l’apartheid.

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