Annette Messager
L’univers d’Annette Messager est un univers où les idées sont filantes, et où les projets semblent reliés entre-eux comme des constellations d’étoiles.
La fantaisie de cette artiste l’entraine sur de multiples pistes, mais toujours ses messages se complètent et se font échos, unis par la vocation non dissimulée d’explorer les abymes de la condition féminine.
Annette Messager est un être pluriel.
Au travers son oeuvre, elle endosse en effet avec ironie une grande diversité de rôles qu’elle s’attribue tour à tour : « Annette Messager artiste » et ses oiseaux empaillés (1971-72) ; « Annette Messager collectionneuse » et ses 56 albums (Le Mariage de Mlle Annette Messager, Les Hommes que j’aime/j’aime pas, Mes jalousies, Les tortures Volontaires, Ma collection de proverbes…) ; « Annette Messager femme pratique » et sa réalisation appliquée de tâches domestiques (1974), « Annette Messager truqueuse » et son corps retravaillé par des jeux en trompe l’oeil (1975) ; « Annette Messager colporteuse » et ses contrées fantastiques (1982).
A cette multiplicité de personnages, qui reflètent la complexité de la personnalité d’une l’artiste schyzophrène, répond la multiplicité des techniques utilisées par elle : photographies, dessins, broderies, couture, animaux empaillés, poupées, peluches et objets divers, animent malicieusement les installations d’Annette Messager dès les années 1970. A l’évidence, Annette Messager nous parle d’elle, pour mieux nous révéler les significations dissimulées de nos propres existences. Son univers, intime et personnel, peut à chaque minute se faire écho des nôtres, affichant au grand jour les souvenirs bridés de toutes les enfances et de toutes les vies.
« Mes tortures volontaires », oeuvre photographique présentée au public en 1972, met en scène les stéréotypes de beautés que la société impose aux femmes par le biais des médias. En réunissant une série de clichés issus de l’industrie des cosmétiques affichant différents modes de procédés esthétiques des plus simples aux plus complexes, Annette Messager met en évidence l’absurdité de la dictature de l’image. Ainsi, faisant se cotoyer des procédés esthétiques courant, tel que le maquillage, avec des interventions plus drastiques de chirurgie esthétique, elle réussit à démontrer méthodiquement l’absurdité de ces « tortures » imposées aux femmes dans un monde à dominante machiste.
En 1974, Annette Messager s’attache à dénoncer une série de clichés concernant la condition des femmes. A travers une oeuvre constituée de petites pièces de coton blanc sur lesquelles elle a brodé à la main sa « Collection de Proverbes », l’artiste nous oblige à réfléchir sur des préjugés collectifs véhiculés par notre culture. « La femme la plus heureuse n’a pas d’histoire », « La femme est la créature la plus subtile du règne animal », « Si la femme était bonne, Dieu aussi en aurait une »… sont autant de messages dont Annette Messager veut anéantir l’imaginaire social. Son choix d’utiliser la broderie, une technique fortement connotée, renforce le côté rétro de ces croyances qu’elle souhaite voir dépassées.
En 1988, Annette Messager réalise « Mes vœux ». Dans cette oeuvre en forme de mobile, elle assemble au bout de ficelles une séries de photographies en noir et blanc représentant des fragments d’anatomie humaine (un genou, un orteil, un sein, une bouche…). Sous notre regard semble alors apparaître toute l’inconséquence et l’absurdité de la spécialisation des êtres et de la dislocation des corps, dans une société où l’image prime souvent sur l’harmonie sociale et individuelle.
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